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Typote time : invitation au voyage... typographique

Juin n’est pas un mois comme les autres à l’atelier de typographie. 

La frénésie traditionnelle autour du marbre perdure, mais, déjà, un doux sirocco s’est installé entre les rangs. Dès lors, les habituels effluves d’encre et d’essence « F » s’épicent d’une note d’exotisme béat et optimiste. Lentement mais inexorablement, l’été insuffle à notre labeur une langueur saisonnière et quelque peu onirique : les couleurs deviennent plus chaudes, les presses adoptent un rythme plus nonchalant, la pression se desserre visiblement, les sommaires se brisent… Dès lors, le typographe se met à rêver devant ses casses, choisissant les polices aux noms les plus poétiques, les plus évocateurs.

Car même si la truculence de notre vocabulaire est déjà célèbre (Dictionnaire de l’Argot des Typographes ; Eugène BOUTMY, 1883), il serait vain de le restreindre sous le seul aspect anecdotique. Empreint de virelangues, codes et traditions, il se mâtine souvent de métaphores, lyrisme et allégories.

Plus particulièrement, à partir du XIXe siècle, et sans doute inspiré par le Grand Tour (ce long voyage qu’effectuait alors la jeunesse dorée), une soif de voyages, d’aventures en tout genre, gagna la société européenne. Cette mode conquit également les fonderies typographiques qui abondèrent dans ce sens, créant de nouveaux caractères, rivalisant d’inventivité et de fantaisie. Ces types, dont les noms célébraient les voyages, la géographie, l’Égypte ancienne, l’architecture, la poésie ou la mythologie, rencontrèrent un tel succès que, très vite, ils inondèrent chaque imprimerie. 

Ainsi donc, le premier à embarquer pour ces voyages extraordinaires, c’est donc le compositeur. Passager un peu clandestin, mais seul maître à bord, il effectue incognito et quotidiennement des allers-retours vers des capitales, petites ou grandes. 
Parmi les destinations historiques, il y a les incontournables Antiques ; Hiéroglyphes ; Cunéiformes ; Domotiques ; Assyriennes ; Sanscrit  etc. qui vous déboussolent illico, à gauche, à droite, en haut, en bas, et même boustrophédon. Un Choc pour nous, pauvres compositeurs, qui en perdons notre latin.
Des échappées belles qui nous permettent, en outre, de rencontrer des Italiennes callipyges ; de croquer des Olives avec de belles Algériennes ; prendre l’accent avec des Péruviennes très stylées ; tisser des liens avec de filiformes Anglaises ou de robustes Allemandes au look Gothique un peu Grotesque. Des rencontres qui aiguisent l’Éros du typographe et lui laisseront des traces indélébiles. Il s’en fait tout un Film !
Parfois, les déplacements professionnels sont imposés. Et, c’est bien à contrecœur, que le typo se résout à aller en Galilée (la galère du retour sur la galée) ; à Saint-Jacques (la fameuse coquille) ; en Germanie (je-remanie) ou à être condamné à l’exil en Sibérie (le coin le plus éloigné du chauffage). À mon sens, la pire destination typographique, celle ô combien fâcheuse, c’est le Panama, surtout par gros Soleil. Dans ce cas, dire que le typographe a le bourdon, serait un euphémisme !
Heureusement qu’à certaines occasions, l’envolée se fait subtile, dans le secret d’une parenthèse, l’éclairage d’un astérisque discret, la fugacité d’une apostrophe, le murmure infini d’une esperluette. Elle ondoie autour d’un filet cuivré ondulant sur des flots d’encre. Puis, se grise sur le mat d’une Caravelle, qui, poussée par un doux Mistral, vient doucement s’aligner sur l’Étoile du Nord au son d’un Banjo un peu désaccordé.
Ailleurs, un langoureux Calypso déroulera la trame d’un message, tout en pointillés, à Diane, sa belle au caractère indéchiffrable. 
Remonter le temps n’a rien de compliqué en typographie. Les compositeurs n’ont d’ailleurs pas à justifier leurs fréquents déplacements à Memphis pour faire un signe à Ramsès ou au Sphinx.
Prendre une rame pour se rendre en l’Île-de-France, battre le pavé à Paris, c’est pour nous complètement a-Naudin, par contre, Bifur-quer en direction de Cheltenham, est plus rare.
Lors de grandes invitations classiques, le compagnon revêt sa plus belle parure pour mener la vie de château à Vendôme, Chambord
Loin d’être une épreuve, cette balade incessante me garantit une santé de plomb, tonifie les corps pour l’été et, ô providence, évite un éventuel empattement. 

Bien sûr, notre atelier pédagogique de typographie regorge de toutes ces belles et précieuses polices. Malgré un âge avancé, elles n’ont pas fini de faire une bonne impression auprès du public. 
Pour conclure, toute l’année, mais principalement en juin, la typographie nous invite au voyage… en Europe mais également dans l’Univers entier.

***

P.S. : saurez-vous retrouver les 36 polices ou familles citées dans le texte ? Ainsi que les 12 expressions du langage typographique ?
 

Fernande Nicaise, compositrice typographe

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