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Typote time : la recette secrète de l’encre d’imprimerie comme au seizième siècle

De Gutenberg à Alde Manuce, les imprimeurs les plus renommés rivalisaient par la qualité de leurs impressions, aussi leur recette d’encre maison, fabriquée selon des rites sacro-saints, était jalousement conservée. Réinterprétée à l’infini à travers l’Europe, sa composition ainsi que sa qualité d’impression pouvaient donc varier, faisant apparaître des spécificités propres à chaque atelier. 

Néanmoins, les maîtres incontestés en matière d’encre d’imprimerie furent les Hollandais, parmi lesquels je citerai le très célèbre Plantin. 
À tel point que, sur l’ordre de Louis XIII, Richelieu fit venir à l’Imprimerie Royale du Louvre des compagnons de Hollande. Soucieux de la qualité des imprimés de la royale institution, mais surtout désireux d’acquérir ce savoir-faire mystérieux qui rendait la lettre plus belle et plus nette, le cardinal tint à intégrer au moins un faiseur d’encre néerlandais à son équipe.  
Mais, le secret le mieux gardé ne saurait résister ni au temps, ni à la curiosité. Puisque, dès le XVIe siècle, on rencontrait des fayseurs d’encre d’imprimerie tenant boutique. À Lyon, le plus ancien répertorié serait Antoine Vincent, faiseur d’encre de 1515 à 1560.

Mais quelle était donc la recette de l’encre d’imprimerie longtemps tenue secrète ?
En découvrant certains ingrédients primitifs, l’on ne peut qu’être étonné. En effet, hors mis les pigments (couleur) et huiles (véhicule) logiquement escomptés, d’autres éléments -auxquels le noble Art noir typographique ne nous avait guère habitués-, s’avèrent, quant à eux, presque… irrévérencieux.
Levons donc le voile sur cette fameuse encre typographique, telle qu’aurait pu la fabriquer Antoine Vincent au XVIe siècle :


Ingrédients :
•    Suie ou pigment très fin et très sec (noir de résine, noir de fumée, de vigne…) ;
•    115 livres d’huile de noix, de lin, la plus ancienne possible ;
•    12 oignons ;
•    1 livre de croûte de pain bien sèche.

Ustensiles nécessaires :
•    1 chaudron de fonte, fer ou de cuivre avec couvercle de cuivre ;
•    Quelques mottes de gazon ;
•    1 broyon ;


1.    Réalisation du vernis
Il est important de trouver un endroit éloigné des habitations et bien aéré. Creuser un trou dans la terre.
Y mettre le chaudron avec 115 livres d’huile de noix ou de lin, en veillant à ce que le récipient ne soit plein qu’aux 2/3 afin que l’huile puisse s’échauffer facilement sans s’échapper lors de l’ébullition. 
Assurer la marmite sur ce trou à l’aide de mottes de gazon placées tout autour, jusqu’au bord, de sorte qu’elle se trouve comme ensevelie dans la terre.
Le récipient ainsi préparé, couvrir hermétiquement et exposer à un feu vif pendant 2 heures. Puis, à feu doux, en remuant l’huile fréquemment avec une louche de fer. 
Aussitôt que l’huile répand de la chaleur, y jeter 1 livre de croûtes de pain sec.
Lorsque les croûtes de pain sont noires, l’huile est presque prête.
Dégraisser avec 12 oignons. Ensuite, bouillir à petit feu pendant 3 heures, au bout desquelles le vernis, gluant et filant, est prêt. Passer à travers un linge ou une chaussette.
Après refroidissement, mettre en réserve et laisser en repos pendant des semaines et même pendant plusieurs mois. Ce repos a pour résultat de débarrasser le vernis des mucilages qu’il peut tenir en suspension.

2.    Réalisation de l’encre
Il n’y avait plus ensuite qu’à mélanger, sur un marbre, le pigment noir et le vernis puis à les piler dans un broyon.
 

Fernande Nicaise, compositrice typographe

Chronologie des arts graphiques - 5000 dates et faits primordiaux créateurs et célébrités, décembre  1935.
Chronologie des arts graphiques - 5000 dates et faits primordiaux créateurs et célébrités, décembre 1935.